Sans ses propres Humanités Classiques, il est impossible pour un groupe d’individus, d’avoir son propre paradigme et donc de conceptualiser sa culture et enfin de bâtir son projet de civilisation.
1. Humanités Classiques Africaines & GWO KA
Les paradigmes agissent comme des systèmes de réflexion incompatibles entre eux car ils répondent à des projets de civilisation divergents. Certains agissent pour aliéner culturellement un peuple cible donné tandis que d’autres œuvrent pour renforcer la Mémoire Historique et enrichir la pratique culturelle. Voyons cela avec le cas du Gwo Ka de la Guadeloupe.
a) Son origine selon le Paradigme Occidental
En Guadeloupe, il existe un art musical particulier originaire du continent africain, apparu durant la période esclavagiste et reposant sur l’utilisation d’un instrument de percussion, à savoir le « gwo ka » ou « gwoka ».
L’étymologie du terme « gwo ka », nous dit l’encyclopédie en ligne Wikipédia, « serait la déformation créole « gwo ka » de « gros-quart », (désignant) la contenance usuelle des tonneaux à partir desquels les esclaves confectionnaient leurs instruments ». Ces tonneaux qui servaient à l’origine à « conditionner la viande salée ou le vin » étaient envoyés vers la métropole à bord des bateaux. Ils seraient une invention des anglais et la notion de « quart », comme unité de volume, viendrait d’eux.
Enfin, à l’origine si les tambours étaient conçus sur les colonies à partir d’un tronc d’arbre, les tambouyés trouvèrent dans le baril, un gain de temps et une sonorité particulière. Ce fut une innovation majeure réalisée aux Antilles.
b) Son origine dans le Paradigme Africain
Il existe dans la tradition africaine, deux classes d’instruments dits « sacrés » :
Les cordophones
Les instruments de percussion (tambours).
En Guadeloupe cet instrument porte le nom de tambour « Ka ».
L’art musical appelé « Gwo Ka » en Guadeloupe procède d'une histoire (celle de l'esclavage) et de cultures originelles venues d’Afrique noire.
A ce titre, les traditions africaines (Angola, Congo, Gabon, Zambie, Mozambique, Zimbabwe, Comores, Guinée, Sao Tomé et Principe, etc), possèdent un même lexique particulier en langue bantoue (kikongo, xhosa, tshiluba, kikuyu, chichewa, lingala, shona, fang, kimbindu, douala, tonga, etc…) pour les instruments de percussion, qui est en réalité, à l’origine même du terme «Gwo ka ».
En effet, le nom générique des instruments de percussion est « N’go ma » dans la tradition bantoue, terme qui désigne la grande famille des tambours. Le terme « Go ma » désigne lui, les chants notamment sacrés, rituels et spirituels.
Ainsi, dans la famille des « N’go ma », il y a un tambour particulier que l’on dénomme « N’go ka ». Ce sont les européens qui ont ajouté le « n » qui en réalité ne sert qu’à spécifier le son particulièrement percutant et grave de l’instrument. C’est cette même quête qui est à l’origine du « w » glissé entre le « g » et le « o ». Rappelons que le nom actuel de l’Angola, est une déformation européenne de « N’Gola ».
La dimension sacrée qu’exprime le terme « ka » est très ancienne. On le retrouve à Kemet (l’Egypte ancienne) où déjà le même mot désignait ce qui est « sacré », ce qui procède de la « force vitale » (Ka) du Créateur de l’Univers et de la « parole sacrée » des ancêtres. Il existait d’ailleurs des « Hem ka », soit des « Prêtres du ka », qui jouaient aussi du tambour et qui enseignaient que la vibration musicale servait de véhicule au « ka » afin qu’il pénètre le cœur des hommes et répande l’harmonie.
Si pour les Dogons, « le rythme musical produit par un tambour se traduit en formules types qui représentent la Parole de cet instrument », on en déduit que les hauts initiés africains qui ont élaboré le Gwo Ka en Guadeloupe, l’ont fait volontairement reposer sur les :
7 formules types,
7 paroles initiatiques,
7 Vertus humaines,
7 jours de la semaine,
7 planètes majeures (voyelles cosmiques) vibrant dans l'univers.
.
Sachant que le soleil lui, symbolisé par le cercle du tambour placé de face, est silencieux.
Ainsi, les 7 rythmes du Gwo ka (Menndé, Graj, Toumblak, Kaladja, Padjanbel, Léwoz et Woulé), rappellent encore les 7 tambours rituels des Kiyus ou encore les 7 ans du Keniemba chez les Bambaras.
A propos des barils, l’historiographie dévoile qu’ils ont été inventés en Afrique noire de la période pharaonique où ils étaient déjà utilisés pour transporter des liquides et des grains (on peut les voir dans les hiéroglyphes) mais chose particulière, l’unité de mesure référentielle étaient déjà le « khar ». Les européens, à l’époque gréco-romaine, ont simplement repris ces notions africaines à leur compte.
D’autre part, ces barils étaient aussi utilisés pour la confection de tambours. A ce titre, une inscription particulière remontant à 3500 ans, a été trouvée dans un tombeau à côté d’un tambour baril (fait de bois et possédant des cercles en fer), plus ou moins en bon état.
Dans une tombeau donc qui date du Nouvel Empire (-1500 ans), un tambouyé nous dit ceci : « J’ai passé des années à frapper du tambour tous les jours ». Preuve que ce baril lui a servi de tambour.
Enfin, le mot « tambour » procède du terme pharaonique « tébèn », tout comme le mot « tam tam », découle du terme « kam kam » dont la symbolique (déterminatif) est une peau d’animal ou encore un homme frappant son tambour.